jeudi 4 janvier 2007

Le marketing de l’horreur

Après les images de sa montée à la potence et de sa dépouille diffusées, depuis samedi, en boucle par toutes les chaînes de télévision du monde, c’est l’intégralité de la pendaison de Saddam Hussein qui se propage sur internet cette fois-ci.
Tournée, semble-t-il, au moyen d’un téléphone portable, cette vidéo, d’une durée de 2 minutes 36, fait, depuis dimanche, le tour de la planète. L’engouement des téléspectateurs et des internautes pour ces images est tellement important qu’il suscite crainte, indignation et interrogation. A quoi sert la diffusion mondiale de l’exécution de l’ex-président irakien ? Pourquoi a-t-on tenu à montrer le dernier châtiment réservé au président déchu ? Les Américains, à l’origine de cette exécution, voulaient-ils humilier encore plus Saddam et le monde musulman en choisissant le jour de l’Aïd El Adha pour l’exécuter ? En tout cas, la moralité des médias, qui ne voulaient pas faire un ratage d’un tel événement, et de l’internet est déjà mise à l’index. Ces images-chocs ont provoqué un sentiment de malaise tant chez les Arabes que chez les observateurs européens et des ONG internationales. En effet, le président d’honneur de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) a déclaré avoir « ressenti de la répulsion face à des images d’un voyeurisme extrêmement malsain ». Des séquences qui, selon lui, rappellent l’exécution du dictateur roumain Nicolae Ceausescu et de sa femme en 1989. Ces derniers en ont été, rappelons-le, fusillés publiquement. Les images de Saddam, une épaisse corde au cou, entouré de bourreaux encagoulés, ont horrifié plus d’un. « Les images de Saddam Hussein avec une corde autour du cou sont extrêmement dérangeantes et n’étaient pas indispensables », s’est insurgé Menzies Campbell, leader du deuxième parti d’opposition britannique, les libéraux démocrates, connus pour leur opposition à la guerre en Irak. La vidéo de l’exécution du raïs « choque le monde entier », a estimé, pour sa part, le quotidien populaire autrichien Österreich. Dans le même sens, George Galloway, un député britannique qui s’est distingué par des positions anti-guerre contre l’Irak, a jugé ces images comme « un lynchage sordide ». La diffusion des images de la pendaison était, selon Nadim Shehadi, spécialiste du Moyen-Orient au centre de recherche londonien Chatham House, « un symbole pour montrer que c’était la fin de Saddam ». Cela n’est pas l’avis de l’ancien ministre anglais, Malcolm Rifkind, qui a estimé que « ces images étaient destinées pour un public arabe toujours méfiant envers les informations des médias là-bas ». Toutefois, de nombreux observateurs ont mis en garde contre le danger que présentent ces images dans un Moyen-Orient profondément divisé. « Elles (les images) vont devenir la plus grande erreur politique », a déclaré George Galloway, député britannique, qui fait le lien avec la diffusion des photos d’Ernesto Che Guevara, exécuté en 1967 en Bolivie avec l’aide des Etats-Unis et qui est devenu par la suite l’icône des révolutionnaires sud-américains. Selon lui, Saddam Hussein a obtenu enfin ce qui lui manquait pendant qu’il était vivant : « Le statut de martyr et de héros arabe. » C’est ce que prévient, d’ailleurs, la candidate à la présidence en France, Ségolène Royale, en précisant qu’« il ne faut pas que la manipulation de ces images finisse par créer un sentiment de solidarité avec un dictateur dont les actes sont indéfendables ». La même crainte a été mise en avant par le quotidien grec Kathimérini en affirmant que l’exécution risque de transformer Saddam en « symbole du nationalisme arabe ». Dans le monde arabe et musulman où le choix de la date d’exécution a provoqué des sentiments exacerbés, on atteste que les images en question vont attiser les émotions antiaméricaines des masses. « Les images vont recréer de la colère et de la frustration pour une large partie des masses arabes. Une fois de plus, les Arabes ont senti qu’il y avait un complot contre leurs symboles », a souligné la majorité des analystes politiques arabes.

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