jeudi 4 janvier 2007

SADDAM S’EN VA DIGNEMENT

Lors des derniers moments avant son exécution, Saddam Hussein s'est montré calme et digne. Il n'a pas hésité à répondre aux attaques de l'assistance et a assuré une dernière fois qu'il avait sauvé les Irakiens "du dénuement et de la misère", selon plusieurs témoins. "Je vous ai sauvé du dénuement et de la misère et j'ai détruit vos ennemis, les Perses et les Américains", a répondu Saddam Hussein, selon le conseiller national irakien à la sécurité Mouwafak al-Roubaïe, à un garde qui lui avait lancé : "Tu nous as détruits ! Tu nous a tués ! Tu nous as fait vivre dans le dénuement !". A un autre moment, "il a dit que nous irons au Paradis et que nos ennemis finiront en enfer". Il a aussi lancé un appel au pardon et à l'amour entre les Irakiens et a dit que les Irakiens devaient combattre les Américains et les Perses, a rapporté à la BBC un juge de la cour d'appel. Saddam Hussein, la corde au cou, récite ensuite la chahada "il n'y a qu'un Dieu et que Mohamed est son Prophète". Saddam, qui est mort les yeux ouverts, a, quelques instants avant sa pendaison, demandé d'envoyer le Coran qu'il tenait dans ses mains à une personne.
Ceux qui ont longtemps pensé ou soutenu l’idée que l’exécution de Saddam Hussein pouvait constituer une solution à la crise irakienne doivent bien admettre aujourd’hui qu’ils se sont trompés. Et même lourdement. Car, comme il a été loisible de le constater, la pendaison expéditive de l’ancien président irakien n’aura en rien contribué à diminuer les luttes interconfessionnelles dans ce pays ; bien au contraire, celle-ci risque même de précipiter tout le Moyen-Orient dans une crise inextricable. Mais dans l’absolu, rien n’interdit de penser que le timing choisi (le premier jour de l’Aïd Al Adha) pour mettre à exécution la sentence prononcée par la justice irakienne à l’encontre de Saddam Hussein au mois de novembre dernier n’a pas pour but, justement, de faire d’une pierre deux coups. Ou même plus : c’est-à-dire affaiblir les Irakiens en exacerbant les contradictions et les différences qui opposent notamment les chiites et les sunnites et, ensuite, jeter tranquillement les bases d’un futur Etat irakien à majorité chiite pro-américain, capable d’endiguer la « menace » iranienne. Les faits pouvant participer à corroborer une telle lecture sont nombreux. Le premier d’entre eux reste bien entendu l’exécution de l’ancien maître de Baghdad qui ne peut être interprétée autrement que comme un cadeau fait par les Etats-Unis aux chiites d’Irak. Tout le monde aura effectivement compris qu’en s’arrangeant pour faire disparaître Saddam Hussein durant une fête de l’Aïd, Washington n’aura en fait que confirmé ce que tout le monde savait plus ou moins déjà, à savoir qu’elle avait une préférence intéressée pour cette communauté religieuse. Cette éventualité semble d’ailleurs avoir tellement réjoui les chiites que ceux-ci ne se sont pas gênés, au moment de l’annonce de l’exécution de Saddam Hussein, pour laisser exploser leur joie dans les rues de Baghdad, cela au moment où les sunnites du monde entier apparaissaient profondément écœurés par le sort réservé à l’ancien ennemi juré de Téhéran. L’Iran aussi a célébré sans retenue la disparition de l’ex-président irakien. N’était leur religion, les Iraniens auraient sans aucun doute sablé le champagne tant ils lui vouaient une haine sans limites. Malgré le lourd contentieux historique qui opposait l’Irak à l’Iran, l’intensité de la réaction iranienne n’est tout de même pas allée sans surprendre. Et, ainsi qu’il fallait s’y attendre, le plus grand étonnement est venu du monde arabe qui espérait des responsables iraniens une attitude beaucoup plus politique. Nombre d’observateurs ne s’expliquent pas non plus comment l’Iran a pu prendre ainsi le risque de s’aliéner les opinions arabes (qui sont majoritairement sunnites) au moment où il se confirme de plus en plus que leur pays — qui a actuellement le statut de puissance régionale — est dans le collimateur de Washington. Des opinions qui plus est l’ont, jusque-là, soutenu dans le bras de fer qui continue à l’opposer au Conseil de sécurité de l’ONU sur la question du nucléaire. En ce sens, l’on trouve étonnant que Téhéran — qui a habitué à être perspicace — n’ait pas prévu que sa réaction pouvait jouer en sa défaveur et peut-être ouvrir la voie à son isolement.

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