jeudi 4 janvier 2007

Une mise en scène barbare et humiliante

Nul n’est resté indifférent à la pendaison du président irakien déchu Saddam Hussein, le premier jour de la fête musulmane de l’Aïd Al Adha. Certains ont dénoncé, d’autres ont applaudi, quelques responsables d’Etat se sont juste contentés de prendre acte de cette action des plus barbares.
La presse a dans ce contexte joué son rôle d’information. En effet, toute la presse du monde a rapporté en long et en large cet événement. Les journaux du Golfe dans leur majorité ont exprimé au lendemain de la pendaison de Saddam Hussein, à savoir dimanche passé, leur « étonnement » et par la même leur « consternation ». Le quotidien saoudien Al Watan s’est interrogé dans sa livraison de dimanche si « l’exécution de Saddam Hussein va ramener la sécurité et la stabilité en Irak et le retrait des forces d’occupation de ce pays ». Ce même journal a souligné que « la rapidité avec laquelle Saddam Hussein a été exécuté, surtout au premier jour de l’Aïd Al Adha, a suscité un sentiment d’étonnement et de consternation dans les milieux saoudiens, arabes et musulmans ». De son côté, le quotidien saoudien Al Jazira s’est indigné que l’exécution ait eu lieu au premier jour de la fête musulmane d’Al Adha. « Cette exécution fait fi des sentiments des musulmans, d’autant que plus de trois millions de fidèles étaient rassemblés dans les sanctuaires pour le pèlerinage annuel à La Mecque, en Arabie Saoudite », a dénoncé Al Jazira qui estime qu’« utiliser l’Aïd Al Adha de manière aussi vile ne rend pas service à l’Irak. Au contraire, cela accentue davantage le clivage ethnique et confessionnel ». « Penser que la pendaison de Saddam Hussein marque une nouvelle étape n’est peut-être pas faux », écrit, pour sa part, le quotidien saoudien Al Riyadh, qui pronostique « un divorce sans retour entre chiites et sunnites » irakiens. Au Qatar, le quotidien Al Raya a rapporté dans ses colonnes que « l’exécution de Saddam avec cette rapidité prouve que c’est Washington qui planifie et gère les affaires en Irak et que le gouvernement irakien exécute simplement les ordres ». Pour ce journal, il s’agit sans nul doute d’un « procès politique ». Al Raya est persuadé qu’après la pendaison de Saddam Hussein, bon nombre d’Irakiens vont voir en lui un héros national et qu’à cet effet, le nombre de ses partisans va augmenter et qu’en contrepartie le gouvernement irakien va se trouver dans une position embarrassante. Titrant « L’Irak sur la guillotine », le quotidien Al Charq du Qatar estime que « la pendaison de Saddam Hussein entre dans le cadre de la vengeance individuelle et confessionnelle ». Ce quotidien juge que « cette image n’honore pas le gouvernement du nouvel Irak ». Au Koweït, en revanche, c’est un autre son de cloche. Ce pays qui a été envahi par Saddam Hussein, l’ensemble de ses journaux se félicitent implicitement. Pour le journal Al Qabas, « la justice en Irak s’est vengée de Saddam Hussein ». De son côté, le quotidien Al Siyassa espère que « l’exécution de Saddam Hussein tournera la page de la mort en Irak et dans la région (...) et ouvrira une nouvelle ère qui sera un modèle de civilisation ». La photo de Saddam, serein, la corde passée autour du cou par ses bourreaux, fait la une de l’ensemble des journaux paraissant en Egypte. La presse égyptienne, gouvernementale ou d’opposition, était unanime à dénoncer le fait que le président irakien déchu avait été « offert en sacrifice » le jour de la fête de l’Aïd Al Adha et a consacré plusieurs pages à cet événement. Le quotidien d’opposition libéral Al Wafd titre sa une sur « Les Etats-Unis se moquent des sentiments des musulmans : Bush égorge Saddam le jour de la fête du sacrifice ». L’Aïd Al Adha commémore, rappelle le journal, le geste d’Ibrahim (Abraham) qui, selon le Coran, était sur le point d’égorger son fils Ismaïl sur ordre de Dieu lorsque ce dernier lui envoya un mouton voué au sacrifice pour épargner son fils. Ce même journal estime que l’exécution de Saddam de cette manière prouve à quel point les Etats-Unis et le régime irakien, leur allié, ont peur de l’ancien président. « Les Etats-Unis offrent Saddam en sacrifice sur l’autel de la guerre civile irakienne », note, quant à lui, le quotidien indépendant Al Masri Al Youm, en référence aux violences confessionnelles qui font rage en Irak. Le journal ne commente pas directement l’exécution de Saddam, mais donne la parole à l’ex-mufti d’Egypte, Nasr Farid Wassel, affirmant que Saddam « est mort en martyr car il a défendu sa patrie contre l’occupation ». Le quotidien Karam Gabr a, d’un côté, estimé que « Saddam ne mérite pas que l’on s’attriste pour son sort », et de l’autre, a regretté le moment choisi pour son exécution. « Saddam a été exécuté de manière humaine, contrairement aux dizaines de milliers d’Irakiens qu’il a tués », écrit ce quotidien. Le rédacteur en chef de ce journal qualifie, toutefois, cette exécution d’humiliation. « Pourquoi avoir exécuté Saddam pour les crimes contre les chiites, sans avoir pris des mesures similaires contre les (Israéliens) qui ont commis les crimes de Sabra et Chatila et à Qana, au Liban », s’est-il interrogé en s’adressant aux Américains. Les deux quotidiens gouvernementaux à plus grand tirage, Al Ahram et Al Akhbar, publient en une des photos de l’exécution, mais sans commentaires ni éditoriaux.

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